Le Site

 FAQ -  Recherche -  Membres  -  Inscription 
 Profil -  Se connecter pour vérifier ses messages privés -  Connexion 
Les reportages

[Poison City] de Tetsuya Tsutsui â?? Manga et (auto)censure

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Forums -> L'Agora Manga
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
clash
Mangaversien·ne


Inscrit le : 28 Sept 2005
Localisation : Genève

Message Posté le : 21/03/16 23:41    Sujet du message: [Poison City] de Tetsuya Tsutsui â?? Manga et (auto)censure Répondre en citant



Poison City
, manga de Tetsuya Tsutsui en deux tomes, paru en 2015 chez Ki-oon.

J'ai toujours suivi de près les oeuvres de Tsutsui, surtout depuis la sortie de Manhole en 2006, qui m'a beaucoup plu. Je suis un chouia moins fan de ses deux one-shot Duds Hunt et Reset, ainsi que de sa dernière série Prophecy, malgré un début pourtant alléchant. Mais j'ai quand-même sauté sur Poison City, d'autant plus que le synopsis me parlait tout particulièrement:

Tokyo, 2019. Ã? moins dâ??un an de lâ??ouverture des Jeux olympiques, le Japon est bien décidé à faire place nette afin de recevoir les athlètes du monde entier. Une vague de puritanisme exacerbé sâ??abat sur tout le pays, cristallisée par la multiplication de mouvements autoproclamés de vigilance citoyenne. Littérature, cinéma, jeu vidéo, bande dessinée : aucun mode dâ??expression nâ??est épargné.
Câ??est dans ce climat suffocant que Mikio Hibino, jeune auteur de 32 ans, se lance un peu naïvement dans la publication dâ??un manga dâ??horreur ultra-réaliste, Dark Walker. Une démarche aux conséquences funestes qui va précipiter lâ??auteur et son éditeur dans lâ??Å?il du cyclone...
En sâ??appuyant sur son expérience personnelle, Tetsuya TSUTSUI (Prophecy, Manhole) nous livre avec Poison City une Å?uvre fascinante sur la liberté dâ??expression et les coulisses de la création manga au Japon
. (Ki-oon)


Avant de commencer sa lecture, je ne savais rien du contexte qui a conduit Tsutsui à écrire Poison City (il est expliqué dans un petit dossier à la fin des tomes 1 et 2). Dans un premier temps, j'ai trouvé le manga bon, mais un rien exagéré dans sa description du Japon de 2019 (le comportement des personnages pro-censure, par exemple, est assez extrême) et exagérément hargneux. La description des méthodes du comité de censure de Nagasaki m'a même semblé un brin farfelue, en tout cas tirée par les cheveux (quoi que, à l'époque des censures d'AB production, en matière de farfelu, on a été gâtés...!).
Puis j'ai lu le dossier de fin, et les bras m'en sont tombés. A la fois de par la méthode utilisée pour cataloguer les Å?uvres comme "nuisibles" (le coup des post-it et le calcul du ratio de pages violentes! Sans déconner!!!), et de par lâ??Å?uvre touchée: Manhole, qui trône dans ma bibliothèque depuis des années et dont le potentiel subversif ne m'a jamais effleuré l'esprit.
Ce contexte posé, la lecture prend une toute autre tonalité. Devant l'incroyable et imbécile arbitraire auquel a été soumis l'une de ses Å?uvres, on perçoit d'une manière bien différente la rage que Tsutsui a injectée dans Poison City!

Qu'en avez-vous pensé? Quelqu'un connaissait-il cette histoire d'agence pour l'enfance et l'avenir de Nagasaki? Les éléments décrits dans le manga (je ne parle que de ceux qui sont en relation avec cette agence, bien entendu) sont-ils fidèles à la réalité?
_________________
Les gens mettent beaucoup de temps à changer, mais le temps, lui, passe inexorablement...
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
clash
Mangaversien·ne


Inscrit le : 28 Sept 2005
Localisation : Genève

Message Posté le : 21/03/16 23:41    Sujet du message: Répondre en citant

J'en profite pour rebondir sur le sujet de l'autocensure.

Il y a bien longtemps, dans un topic lointain, très lointain, nous parlions de la censure dans les mangas... (topic Soleil, page 18 et suivantes).
J'avais pris le prétexte de deux passages censurés dans la VF des séries Bokurano et Bienvenue dans la NHK pour ouvrir un débat (qui s'est quelque peu enflammé Clin d'oeil ) sur la censure dans les mangas qui sortaient aujourd'hui (en lâ??occurrence, en 2008) en France.

Au fil de la discussion s'est posée la question de savoir si la censure d'une Å?uvre était acceptable si son auteur avait donné son consentement. A l'époque, j'avais émis l'hypothèse que ce dernier est soumis à des contraintes éditoriales qui pouvaient, peut-être, le forcer à s'autocensurer... Une proposition contre laquelle Egil s'est inscrit en faux.

sushikouli a écrit:
Posons la question différemment : Si l'auteur accepte d'être publié à l'étranger dans une version tronquée, et qu'il fait lui-même les retouches, peut-on parler de censure ?

clash a écrit:
Là on s'approche d'un cas plus limite, à savoir que c'est l'auteur lui-même qui décide de s'auto-censurer. C'est déjà moins pire, si je puis dire. Reste surtout la question de la pression qu'il peut subir, et accessoirement le fait qu'il a déjà lâché son oeuvre originale dans le public, qui a commencé à s'en approprier un bout (on peut discuter si cette appropriation est légitime ou pas...).

egil a écrit:
Tu peux nous parler de cette "pression" ?
C'est là même que celle que subit Naoki Urasawa quand il dit à son éditeur qu'il ne veut pas que soit publié à l'étranger ses anciennes oeuvres ?
C'est encore l'histoire de ces pauvres auteurs millionnaires maltraités par les méchants éditeurs mercantiles qui ne pensent qu'à l'argent ?
Auteurs tellement maltraités qu'ils ne voyagent qu'en business class pour venir dans les conventions en Europe (c'est la norme pour un auteur Shogakukan, Business Class + Hôtel de luxe)
Tu es sûr que tu sais de quoi tu parles Clash ? Tu en connais beaucoup des auteurs et des éditeurs ?

clash a écrit:

Egil> Concernant les pressions, je pensais aux pressions que l'auteur subit de la part de son éditeur. Tu remarqueras que j'ai utilisé le conditionnel, parce que je n'en sais rien, je ne compte pas de mangaka dans mon cercle d'amis. Cela dit, je doute qu'un éditeur soit le premier à reconnaître qu'il exerce des pressions sur les auteurs qu'il a sous contrat...
Il a bien sûr des différences de cas, de degré, mais est-il si incongru de penser que la société qui représente le gagne-pain d'un auteur puisse exercer sur lui une certaine pression? C'est de la simple réalité économique.

egil a écrit:
Donc tu reconnais que tu n'y connais rien mais tu sais quand même comment ça se passe ? Tu crois que Togashi il est sous pression ? Et Urasawa ? Il a l'air sous pression ?


Désolé, Egil. Il m'a fallu un peu de temps pour répondre. Pour Togashi et Urasawa, je n'en sais rien. Mais Tsutsui, lui, semble un peu sous pression, non? Ou du moins, le discours qu'il développe dans Poison City laisse penser que cette pression n'a rien d'une utopie. Tout son manga traite du problème que rencontre un auteur face à la violence de sa série. Le jour où un éditeur francophone propose à son éditeur de la racheter pour la publier à l'étranger, moyennant la censure de quelques passages un peu problématiques, cet auteur pourra-t-il vraiment, en toute liberté et sans la moindre pression, indiquer à son éditeur qu'il ne souhaite pas d'adaptation de son travail? Je n'en ai pas vraiment l'impression, du moins c'est le sentiment très net que me donne la lecture de Poison City...

Tsutsui ne semble d'ailleurs pas le seul à se faire du souci pour la liberté d'expression des artistes au Japon. J'ai été étonné de trouver, dans le tome 7 d'Otaku Girls, un passage complètement "plaqué" dans lequel, à travers ses héroïnes, Natsumi Konjō se lance dans un brûlot anti-censure sur 4 cases (p.126-127 de l'édition de Doki-Doki). C'est un autre exemple qui me laisse penser que oui, plusieurs auteurs japonais sont soumis à une certaine pression. Alors je veux bien qu'elle trouve son origine dans le milieu politique, mais il n'empêche que, dans l'exemple de Poison City en tous cas, Tsutsui a voulu montrer à quel point cette pression se répercute jusque dans la relation éditeur-mangaka.

En est-on déjà là aujourd'hui, ça peut se débattre. Pour ma part, je retiens la lettre ouverte de Tetsuya Tsutsui, reproduite à la fin du tome 2. Un vibrant plaidoyer en faveur de la liberté d'expression des artistes!

"Les décisions qui ont conduit à ce classement [de Manhole en Å?uvre nocive] sont incompréhensibles. Non seulement elles prouvent l'ignorance et l'intolérance du département de Nagasaki envers la culture populaire, mais j'estime qu'elles sont aussi une grave violation du droit à la liberté d'expression tel qu'il est garanti par la constitution.
En tant que personne qui vit de la création artistique, je m'oppose de tout mon être à cette intrusion injustifiée dans mon domaine de compétence, et je continuerai à rester vigilant et ferme face à ce problème.
"
_________________
Les gens mettent beaucoup de temps à changer, mais le temps, lui, passe inexorablement...
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Gemini_
Mangaversien·ne


Inscrit le : 03 Fév 2011

Message Posté le : 13/09/16 09:25    Sujet du message: Répondre en citant

Je viens de finir la série, et il s'agit de ma préférée de Tetsuya Tsutsui à ce jour. Sans doute car nous avons affaire à un récit beaucoup plus personnel qu'à l'accoutumée - ayant lui-même été victime d'une censure absurde "dans l'intérêt des lecteurs" - ce qui le pousse à éviter certains de ses effets de style habituel, comme son côté faussevement subversif tel un Mark Millar nippon. Il réfléchit à la censure - un thème qui m'intéresse particulièrement - ses raisons, et ses conséquences, aux côtés d'un héros en proie à un système moraliste et politique déshumanisant. Si j'avais un reproche à faire, c'est que l'auteur force le trait concernant les censeurs, la censure, et les conséquences de celle-ci ; le but étant de souligner l'absurdité du système en amplifiant ses caractéristiques actuels - il suffit de regarder l'association française Promouvoir pour se rendre compte que nous ne sommes pas si éloignés que cela de la réalité - mais cela les rend parfois tellement outranciers qu'ils en perdent en crédibilité. Et la fin, habituellement le point faible de Tetsuya Tsutsui, résume malheureusement bien ce problème : elle se veut choquante, mais va trop loin dans l'absurdité pour son propre bien. Cela fait perdre une partie de son impact à un manga que j'ai pourtant trouvé passionnant de bout-en-bout, et que je recommande à tout lecteur un tant soit peu touché par les questions de censure.

Au passage, je tiens à apporter quelques précisions sur un aspect de ce manga. Tetsuya Tsutsui met l'histoire de son héros en parallèle de celle de William Gaines, éditeur américain de comics de SF, fantastique, et horreur tels que Tales of the Crypt. En 1954, le psychologue américain Fredric Wertham publie Seduction of the Innocent, dans lequel il explique que les comics sont responsables de la violence chez les jeunes, et évidemment particulièrement ceux de Gaines. La même année, en raison de l'influence de Wertham, l'United States Senate Subcommittee on Juvenile Delinquency demande à Gaines de se présenter devant eux pour se justifier concernant ses publications. Jusque-là, c'est effectivement ce que l'auteur nous décrit dans Yuugai Toshi. Mais la suite diverge. La conclusion de cette affaire ne sera pas la censure des comics par les états, mais leur auto-censure par les éditeurs eux-mêmes, lesquels créent le Comic Code Authority. Comic Code Authority dans lequel Gaines ne possède pour ainsi dire aucun poids, ce qui poussera ses concurrents à interdire une série de thèmes et de personnages particulièrement présents dans ses publications, tels que les vampires ou les loups-garous. De la à dire qu'il s'agissait d'une manoeuvre pour écarter ce concurrent génant accaparant de plus en plus de parts de marché ? C'est probable. Enfin, Mad fut créé en 1952 par Harvey Kurtzman et - effectivement - William Gaines, donc il ne s'agit pas d'une conséquence de l'affaire. Par contre, l'éditeur en fera un magazine afin d'échapper aux Comic Code Authority, lequel le poussera à arrêter toutes ses publications historiques à peine un an après sa création ; un de leurs derniers litiges concernant le refus du Code que l'éditeur mette en scène un astronaute afro-américain...
_________________
- Tu es critique. Cela signifie que tu dois classer les films sur une échelle qui va de "bon" à "excellent".
- Et si je n'ai pas aimé ?
- Ça correspond à bon !
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Montrer les messages depuis :   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Forums -> L'Agora Manga Les heures sont au format GMT + 2 heures
Page 1 sur 1

 
Aller vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sondages de ce forum


Powered by phpBB © 2001, 2005 phpBB Group
Site francophone - Support utilisation